Une scène difficile qui parle de nous

Une scène difficile qui parle de nous

Hier, j'ai partagé à ma communauté une  vidéo très difficile.

Une scène de viol.

Je me suis longuement questionnée sur la pertinence de ce partage. Est-ce que c'était juste, ou non ? Je suis consciente de la violence de la scène et de ce qu'elle peut faire remonter.  Cette scène nous met en contact direct avec notre état de sidération. Elle est un révélateur. Pour laisser fondre une résistance, encore faut-il s'y frotter...

Une femme m'a dit ne pas avoir pu aller jusqu'au bout, et je la comprends parfaitement. Une autre m'a dit qu'elle aurait préféré le mot "conscience" au lieu du mot "responsabilité", et je comprends aussi cela. Dans un viol, nous devons d'abord prendre soin de la victime et de son impuissance. D'ailleurs, c'est le thème principal de la série d'où j'ai tiré cette scène, "Une famille presque normale" créée par Anna Platt et Hans Jörnlind. 

 

J'ai utilisé volontairement le mot responsabilité, parce que sans cette responsabilité collective face à cette culture du viol, nous ne pourrons pas avancer ensemble, hommes et femmes main dans la main.

Il ne faut pas confondre le mot RESPONSABILITÉ avec le mot CULPABILITÉ. Le jeune homme dans la scène est coupable de viol, mais ils sont tous les deux responsables de ce qui est en jeux. La résilience vient de cette acceptation profonde de notre responsabilité. 

Le consentement corporel est une histoire d'hommes et de femmes. Chacun doit prendre la responsabilité de ses choix. 

Nous vivons dans un monde où nos enfants sont éduqués au porno depuis des années. Il n'y a aucune éducation à l'école sur la conscience corporelle. On apprend le consentement d'une façon intellectuelle mais aucune intégration ne se fait dans le corps.

Alors oui, dans mon œuvre j'ai besoin de comprendre jusqu'à quel point nous sommes sidérés. 


Cette scène parle de nous, de l'histoire de l'humanité, de l'absence de conscience dans nos corps et dans notre sexualité, de l'absence de communication, de l'inexistence du consentement.

 

J'ai regardé cette scène plusieurs fois, aussi insupportable soit-elle. Parce que j'ai besoin de comprendre le mécanisme caché derrière. J'ai aussi vécu plusieurs viols avec le premier chaman que j'ai rencontré. J'ai mis des années à sortir de sidération. 
C'est ce genre de scène refoulée que je retrouve dans le corps des femmes. 

 

Cette scène est, pour moi, composée de 3 étapes : 

- la première : la jeune fille attire le jeune homme dans la cabane. Elle a envie de découvrir son corps, sa sensualité. Elle le séduit, elle l'embrasse. Il s'avère que le jeune homme est le coach de son équipe sportive. Elle a besoin de se sentir femme dans les bras d'un homme, elle a besoin d'être reconnue... Elle l'attire et l'embrasse. 
Elle est l'innocence même qui découvre son corps… Mais elle ne se connaît pas, et par-dessus tout, elle ne connaît pas le rythme du désir de l'homme.
Lui s'excite très rapidement. Pour lui, tous les voyants sont au vert puisque c'est elle qui est à l'initiative. Il se sent légitime à laisser son excitation prendre le dessus puisque c'est elle qui l'a "allumé".

 

- la deuxième étape c'est quand il lui montre le lit. Seulement voilà, il y a un décalage entre son désir sexuel à lui et son désir de sensualité à elle. Il précipite les choses. Son excitation sexuelle lui fait perdre le lien avec sa partenaire. Il ne la regarde plus. Elle est terrassée. Il ne l'entend plus et ne la voit plus. Elle n'existe plus en tant que personne. Elle est l'objet de son désir. Il a appris que le sexe, c'était comme ça. 

 

- La troisième étape, c'est la sidération. Elle quitte son corps, ses yeux sont dans le vague. Elle a beau dire "NON", il n'entend rien. La rencontre se transforme en VIOL. 
Toute la série tourne autour de la résilience de cette jeune femme. 

 

Dans la pratique du TCCP, nous abordons le toucher du corps avec une progression infinie. La responsabilité est rendue à la personne qui vient se rencontrer. 

- Le temps est notre allié. Il ne s'agit pas d'aller trop vite. 
- Le regard est un point d'appui de résilience indispensable.
- L'échange verbal est  la clé du consentement. 

 

Pour changer de paradigme, nous avons la responsabilité d'intégrer nos zones de consentement et de non consentement corporels. Le consentement doit pouvoir se ressentir et non plus se conceptualiser.